December 5, 2024

L’éthique, c’est faire une pause pour réfléchir à la propre vie

Bien, c’est sûr que faire de la philosophie ou faire de l’éthique, c’est extrêmement utile déjà juste pour développer la pensée critique. Alors, la pensée critique, c’est quoi? Ce n’est pas de dire non à tout, et puis d’être fermé par rapport au monde. La pensée critique, c’est d’être capable de faire le tri, de trier l ‘information, de trier ce qu’on reçoit. Donc, la philosophie, c’est très fort pour nous permettre de faire ça. Avec elle, on est capable de gérer l’information qu’on reçoit, de se poser des questions sur si l’on peut recevoir une information comme ça, ou si l’on devrait faire plus de recherches pour aller vérifier un petit peu plus derrière ça, ce que ça veut dire.

Puis même, on peut analyser aussi la logique de certains raisonnements. Donc, on reçoit une information sous forme de raisonnement, on peut se poser des questions sur les prémisses, sur le fonctionnement, sur la conclusion. Il y a des choses parfois étranges, puis il y a des choses qu’on accepte un peu trop vite que la philosophie nous permet d’analyser au fond. Maintenant, ça a des implications pratiques, surtout pour ce que j’appellerais la vie citoyenne. La philosophie, ça prépare à la vie citoyenne. Parce qu’on va être des citoyens; tout le monde est un citoyen, une citoyenne, et on doit participer à la vie collective, à la vie communautaire avec les autres. Et la philosophie, justement, ça nous permet de faire un tri dans cette vie citoyenne-là, de manière critique et intelligente.

Et la philosophie aussi, une de ces grandes forces, c’est sa capacité à faire des liens, à prendre des problèmes, d’en voir la complexité; donc de ne pas les rendre trop simples ou simplifiés, mais de démêler ses nœuds complexes. Donc pour moi, évidemment, ce sont des disciplines essentielles. Et l’éthique tout particulièrement, comme on l’a vu dans la présentation que j’ai faite, c’est que finalement elle nous aide à avoir la meilleure vie qu’on pourrait vivre. Et donc ça aussi, c’est important.

Je pense qu’il y a un peu des deux. Ça dépend des contextes, mais certainement qu’il y a un type de technologie qui nous encourage à garder nos vieilles habitudes, qui nous renvoie toujours les mêmes messages, qui nous fait vivre dans une chambre d’écho où finalement on pense qu’on a de la nouvelle information, mais tout ce qu’on entend c’est la même chose, encore et encore, qu’on a déjà entendue. Donc, je pense que ça, c’est une technologie effectivement qui nuit à la vie citoyenne, qui nuit à la pensée critique.

Par ailleurs, c’est vrai qu’il y a certains usages de la technologie qui nous permettent de développer la pensée critique parce qu’évidemment, on a plus rapidement accès à l’information aujourd’hui. Le grand problème, c’est de savoir la trier. C’est ça le gros problème. Alors le fait qu’on a beaucoup plus accès à l’information nous permet justement de voir la complexité des problèmes de manière encore plus rapide, mais encore là, il faut savoir la trier. Donc c’est pour ça que la philosophie est importante, parce qu’elle nous donne un filtre de pensée critique.

Effectivement, je pense qu’il n’y a pas d’âge pour ne pas philosopher. C’est une discipline qui peut se faire à tout âge. D’ailleurs, il y a des choses…, pas à notre université en particulier, mais il y a des cours, par exemple, de philosophie pour enfants. On peut faire de la philosophie avec des très jeunes enfants. On peut faire de la philosophie à tout âge. Mais pourquoi est-ce que c’est utile pour quelqu’un qui est au secondaire? Je pense que c’est encore plus utile qu’à n’importe quelle autre période de la vie, parce qu’on est en transformation, puis on commence à se poser des questions sur le monde.

Et puis en effet, je pense que c ‘est vrai, ils ne sont pas nécessairement engagés dans les grands débats philosophiques, ne connaissent pas les écoles philosophiques, ils ne savent pas qu’il y a des grandes tendances de l’époque peut-être. Mais je pense qu’ils sont beaucoup plus intelligents qu’on pourrait le croire parce qu’ils sont très engagés dans leur monde. Ils vivent le monde, ils voient ces problèmes et ils pensent à l’avenir, et puis, ils se préparent un peu par rapport à cet avenir-là, qui à certains égards, est quand même assez effrayant.

Et donc pour cette raison-là, je pense que c’est encore plus utile pour eux de réfléchir à ces choses-là. Déjà à se positionner dans le monde, à savoir comment on va se positionner, quelle posture va me permettre le mieux de, peut-être, réussir ma vie, de trouver la bonne vie dans ce monde qui est, de plus en plus, complexe. Puis évidemment, c’est sûr que les élèves du secondaire aujourd’hui ont bénéficié des avantages de la technologie. Mais d’un autre côté, la technologie va très, très, vite et ils en sont toujours à essayer de trouver le rythme, puis de retrouver le rythme et d’embarquer dans ce processus-là.

Donc, c’est pour ça que c’est important. Moi, je dirais que la philosophie aussi, à ce niveau-là, c’est un pas de recul. On prend un pas de recul, on fait une pause, on regarde un peu l’époque, on regarde notre vie, on regarde comment on vit, comment nos amis vivent. Puis, ce sont des questions vraiment essentielles, très importantes pour se préparer à la vie citoyenne, se préparer à la vie d’adulte. Parce que déjà au secondaire on a peut-être moins de responsabilité, mais justement plus tard on aura des responsabilités. Jusqu’ici on n’a jamais pensé à ces grandes questions-là, de savoir comment je peux me positionner dans le monde, comment je peux interagir avec les autres, quelle est la meilleure façon de réussir ma vie, où se trouve la bonne vie; c’est difficile de le faire à l’âge adulte. Donc pour moi, c’est essentiel; et c’est pour ça que la coupe éthique, ça fait entrer la philosophie au fond dans leur vie, sans entrer dans l ‘histoire de la philosophie, les théories et tout ça. Donc ça fait quelque chose d ‘assez intéressant.

C’est une bonne question parce que je ne suis pas un expert sur la question. Je crois que ce serait intéressant de leur poser la question à ces jeunes-là, de voir comment ils pensent que c’est la meilleure façon d ‘interagir avec ceci, parce qu’ils voient leur problème. Mais c’est sûr que moi, j’irai surtout avec cette idée de prendre un pas de recul, au sens où ça reste le virtuel. Et c’est ça le problème aujourd’hui, c’est que le virtuel et le réel sont très imbriqués, très mélangés, c’est difficile de les séparer. Mais ce monde reste virtuel au sens où c’est le monde un peu possible, ce n’est pas nécessairement le monde réel. Alors Il ne faut pas croire que toute sa vie est là-dessus, parce que finalement il reste une personne localisée dans une époque, dans un corps qui interagit avec d’autres individus, avec d’autres corps. Le contact affectif est encore très important ainsi que l’interaction directe avec certaines personnes et la rétroaction avec les gens.

Le problème, c’est que la rétroaction sur les médias sociaux, c’est toujours asynchrone. Donc, par exemple, on met quelque chose et après, on ne sait pas ce qui va arriver, puis on ne peut pas répondre à la personne parce que c’est trop tard, ou de toute façon, c’est après coup et je ne peux pas lui parler directement. Et alors, vraiment, le retrouver ou garder -parce que ce n’est pas tout le monde qui l’a perdu du tout- ce contact synchrone au sens où on a une discussion ensemble maintenant. On peut avoir des idées différentes, mais on doit les discuter maintenant. C’est souvent là où la politesse et la dignité vont être présents, versus sur les médias sociaux où, justement, on se permet un peu n’importe quoi parce que ça reste un peu virtuel. C’est comme un autre monde où on a l’impression qu’on n’est pas engagé nécessairement dedans; mais où pour d’autres personnes, on est tellement engagé qu’on ne voit plus qu’il y a une réalité à côté de ça.

Je pense que la discrimination a eu déjà lieu. Par exemple, dans le simple fait que maintenant, pour avoir accès à certaines tâches, cours, ou même à certains spectacles, il faut avoir un téléphone intelligent, il faut savoir comment ça fonctionne. Il y a déjà certaines formes de discrimination. Le problème encore une fois, c’est l’importance qu’on met dans les technologies. Si on met tout le poids de la responsabilité du fonctionnement de nos sociétés sur les technologies, c’est sûr que ça va devenir de plus en plus discriminatoire.

Mais je ne sais pas si c’est nécessairement vers là qu’on s’en va. La philosophie ne peut pas se pencher sur l’avenir. On peut spéculer, mais on ne peut pas vraiment se pencher là-dessus; on n’est pas des diseurs de bonne aventure. Mais on peut au moins se poser la question à savoir si les tendances continuent. Bon, c’est vrai que ça risque d’être discriminatoire et c’est vrai que ça serait inéquitable. Il y aurait des gros enjeux éthiques à se poser par rapport à ça. Mais d’autre côté, ça dépend encore une fois du poids qu’on met là-dessus. C’est discriminatoire seulement si on a décidé que la priorité allait aux technologies. Si l’on pense que le monde peut encore se faire sans technologies, ou avec une technologie beaucoup moindre, la discrimination va être moindre aussi. Mais est-ce qu’elle a eu lieu à ce moment? Oui, certainement. C ‘est problématique.

Oui, absolument! Pour ça, parfois on dit l’intelligence artificielle, mais c’est de la stupidité artificielle. On est pris dans une sorte de boucle, sans fin, avec un robot qui ne comprend pas du tout, qui n’a aucun contact affectif. On lui pose une question, mais il prend le langage juste comme des signaux, comme des 1-0-0-1, en cas du binaire, et donc il analyse ça, il prend ça, il digère une réponse et puis il nous la renvoie.

L’intelligence artificielle, c’est un gros problème; est-ce qu’elle est vraiment intelligente? Justement, si l’on fait reposer l’intelligence humaine dans les machines, c’est là où le problème risque d ‘être énorme, d’abord parce que de toute façon, les machines, on les connaît de moins en moins. Ce sont des boîtes fermées de plus en plus. Aujourd’hui, ouvrir un ordinateur, ouvrir un téléphone, c’est le briser. Et les compagnies le font exprès, elles ferment ces machines-là, pour garder leur monopole, etc. Mais ça fait aussi qu’il n’y a plus personne qui peut le faire. On ne peut plus réparer nos propres objets.

Et donc ça, c’est très difficile, et c’est une première chose, mais la deuxième chose c’est que la technologie, elle manque d’intelligence à plusieurs égards au sens qu’elle n’est pas capable d’un véritable choix. Elle n’est pas capable d’évaluer les pours et les contres, elle va simplement prendre une trajectoire de signaux et rentrer avec une réponse en particulier. Mais personne ne veut interagir avec une machine comme ça. Alors on a peur qu’elle devienne plus intelligente que l’humain.

Mais d’autre côté, elle ne deviendra jamais, jamais, plus intelligente que l’humain. Peut-être qu’on va perdre le contrôle sur elle, mais elle ne sera pas plus intelligente que nous. C’est certain. En fait, l’intelligence, il y a plein de niveaux. Il y a l’intelligence de l’esprit, de la raison, mais il y a l’intelligence affective, il y a l’intelligence du corps. Le corps a une intelligence…

Oui, l’empathie. Mais l’intelligence du corps, c’est par exemple… On sait déjà que notre corps, juste simplement par la posture de quelqu’un, on est capable de lire un peu ses sentiments et tout ça. Ce qu’est l’intelligence artificielle peut faire aussi, mais de manière très mécanique. C’est ça, avec simplement une réponse comme “Oh, tu as ça, tu es ça, parfait”. Bingo!

Depuis ces débuts. En fait, la Coupe Éthique est née au Manitoba. Le côté anglophone, si je ne me trompe pas, il y a 11 ans qui est ici aujourd’hui avec nous. Et nous, c’est la sixième année qu’on le fait en français. Je suis impliqué depuis le début, et ça me fait toujours plaisir d’être là. Cette année, à l’interne, à l’Université de Saint-Boniface, on a créé un comité, en fait, un comité de la Coupe éthique pour aider à la réalisation de l’événement; puis c’est assez excitant. Et la Coupe éthique du Canada, ça fait, je pense, deux ou trois ans que je suis dans l’organisation, deux ans je dirais. Et on se développe beaucoup au niveau francophone parce que c’est surtout ma responsabilité.

Oui, en fait, j’ai mentionné que ce sont des choses qu’on les a discutées à la Coupe Éthique du Canada. On sait que les cas, ce sont toujours dix cas écrits par une équipe unilingue, c’est-à-dire une équipe anglophone, ou à peu près, qui développe tous les cas. Alors ce qui serait intéressant, c’est de permettre à une équipe francophone d’en écrire cinq. L’équipe anglophone en ferait les autres cinq, puis on traduirait mutuellement les cas. Et aussi, je pense que ça apporterait une perspective nouvelle, celle des francophones, qui sont minoritaires au Canada. On amènerait probablement des cas qui soient plus liés à cette francophonie minoritaire.

Oui, aussi, absolument, les immigrants! La communauté francophone ici à Winnipeg est grandement bâtis par eux et donc, c’est très important aussi d’avoir leur point de vue. Il y a des grands enjeux d’habitation, de cohabitation. Absolument, parce que les gens arrivent avec leurs valeurs, leurs normes, leurs échelles, leur culture et leur tradition, et puis ça amène parfois des frictions; mais en même temps, ça peut amener aussi des changements de perspective, une meilleure façon de vivre, peut-être ça pourrait nous faire réévaluer la bonne vie.

Merci à toi.


Nicolas Dousdebes, Coordinateur de Communication – AMDL

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